encreverger2
LE SITE DE ROMAIN VERGER

accueil

/ JOËL-CLAUDE MEFFRE / RESPIRER PAR LES YEUX / WIGWAM / 2008 / 17-11-2008 /

/ DIÉRÈSE / n°43 /

 

Dans cette plaquette, Joël-Claude Meffre questionne la mort. C’est la rencontre d’une altérité radicale : celle d’une dépouille, "réel irregardable", à la fois présence insupportable et incarnation de l’absence. Comment l’aborder, l’envisager "du haut de ma vivance" ? Comment lui faire face sans la dépouiller de ce qui la fonde en "figure d’immobilité" ? Saisir cet objet fixe, ce "sans-souffle" : tel est l’objet de ces poèmes. Car le regard seul ne convient pas, faussé, bougé et tremblé par le souffle, réanimant constamment "ma morte". C’est au corps tout entier qu’il faut apprendre à faire le mort, par l’exercice, le yoga. Ainsi faut-il entrer dans la chambre mortuaire en apnée : "J’ouvre la porte, je retiens mon souffle, comme si je devais aller sous l’eau." Recréer en soi ce bouclage, cette clôture, cette poche ou manchon d’air statique : "Je garde mon souffle, l’ayant tenu dans les poumons, dans la trachée et jusque dans ma bouche : ça fait une colonne d’air où ce souffle est en suspens, entre ça et ça, depuis le fond de la poitrine." Ce déplacement d’approche permet la vision et la connaissance : "Je vois par tout mon corps ce corps au souffle suspendu (...) comme si ce suspens-là permettait seul l’approche intime de la dépouille à jamais distante dans toute sa distance". Si le mort échappe au vivant, n’échappe-t-il pas plus encore au poème, né du pneuma, du souffle, qui s’est pourtant donné pour tâche de dire ce "non-souffle" ? D’où peut-être ce choix du fragment en prose qui coupe cours à toute amplification, de même qu’il tient le lyrisme à distance, l’expire plus qu’il ne s’en inspire. Ainsi, au terme, l’exercice n’aura pas été vain. Le regard se fait vision ou voyance et perçoit, bien que lointainement recluse, une ouverture : "Je me suis penché sur le masque de ma chère dépouille : la bouche est scellée, les lèvres ne forment qu’un seul trait. Je perçois combien peut-être sous les yeux clos, dans le cercle des pupilles, il y a encore tellement d’intensité. Un reste de souffle comprimé sur lui-même, un noyau en retrait au creux de la dépouille ? // au centre du cercle le point est un masque qui scelle la source de tous les possibles."

 

© 2008 / Romain Verger




 

encreverger2LE SITE DE ROMAIN VERGERLE SITE DE ROMAIN VERGER